Le tourisme n’est pas une activité de tout repos, surtout par les temps qui courent.
Prenons par exemple le tourisme international. Alertes sanitaires, attaques terroristes, catastrophes naturelles et climatiques, crashs aériens ... tout ce ceci n’arrive hélas pas qu’aux autres. Si cette liste de risques globaux n’a pas réussi à vous décourager, songez donc à tous les inévitables désagréments qui vous attendent sur place. Vols, et agressions, arnaques ou autres piège à gogos, accidents fâcheux ou tout simplement stupides, maladies vectorielles et parasitoses, etc. Pour peu que vous vous en sortiez, vous aurez sûrement de quoi épater la galerie à votre retour, si vous ne l’avez déjà fait par consul interposé.
Enfin, complétons le package avec les incontournables désagréments de l’odyssée touristique: stress et fatigue liés au voyage, décalage horaire et biorythme déboussolé, perte de repères et choc culturel … Bref, mieux vaut opter pour l’expatriation si vous voulez voir du pays car au moins, vous serez payé pour galérer.
Là tout n’est qu’ordre et beauté
A priori, le tourisme correspond à une délocalisation temporaire des conditions de vie. L’Organisation Mondiale du Tourisme le définit comme "l'ensemble des activités déployées par les personnes au cours de leurs voyages et de leurs séjours dans des lieux situés en dehors de leur environnement habituel pour une période consécutive qui ne dépasse pas une année, à des fins de loisirs, pour affaires ou autres motifs ". Reste à savoir ce qu’est un environnement habituel et ce que recouvre la rubrique autres motifs.
Avec une définition aussi large que celle de l’OMT, on comprend aisément pourquoi le tourisme est aujourd’hui considéré comme la plus grande industrie du monde. C’est du moins ce qu’affirment de nombreux économistes, décideurs et politiciens, sans pour autant se mettre d’accord. De par son caractère transversal et multidimensionnel, le tourisme est probablement plus une vision de l’esprit qu’un secteur d’activités. Il est en effet extrêmement difficile de mesurer exactement son impact économique réel, d’autant plus qu’il existe très peu d’entreprises dont les activités sont exclusivement consacrées au tourisme. En outre, je vois mal comment on peut connaître toutes les dépenses directes et indirectes d’un touriste, même en les extrapolant. Mais il faut dire que les statistiques m’ont toujours laissée sceptique. En attendant, l’OMT a décidé de se faciliter la tâche en se plaçant du côté de la demande plutôt que de l’offre, ce lui permet de se baser sur des mesures à peu près fiables telles que le nombre d’arrivées internationales (925 millions en 2008).
Très logiquement, la demande touristique a connu un fléchissement durant ces derniers mois, dans un contexte peu favorable à la confiance des consommateurs et des entreprises. D’un autre côté, le tourisme plie mais ne rompt pas et nombreux sont ceux qui louent sa résilience et sa résistance face à l’adversité. Il faut donc croire que les touristes ne sont pas toujours prêts à sacrifier leur droit au voyage sur l’autel de la crise. Ainsi, les doutes de l’économie mondiale n’effleurent pas trop ceux qui ont fait du tourisme un produit de consommation courante et surtout, un moyen indispensable d’échapper au quotidien.
Emmenez-moi au bout de la terre, emmenez-moi au pays des merveilles ; il me semble que la misère serait moins pénible au soleil.
Car ce que le touriste a longtemps recherché, c’est le théâtre nécessaire à la mise en scène de ses rêves et ses fantasmes, son utopie d’un monde différent sinon meilleur. Nouvel opium du peuple, le tourisme a longtemps permis d’accéder à des paradis plus ou moins artificiels en toute légalité, de communier avec l’univers et d’oublier un moment le poids d’une existence lourde à porter. Selon ses désirs, le touriste pouvait alors choisir d’être enfin lui-même ou au contraire de s’adonner à la schizophrénie la plus totale. En changeant d’environnement, il se donnait l’occasion de se refaire une virginité sociale.
Le problème c’est qu’avec la mondialisation et le développement des nouvelles technologies de l’information, le dépaysement et l’évasion sont de plus en plus compromis. Les modes de vie se standardisent et les distances s’atténuent. Le voyage se banalise et perd de son charme. Il devient de plus en plus utilitaire et se résume généralement à la recherche d’un lieu permettant d’exercer au mieux son pouvoir d’achat. D’où l’émergence du tourisme médical par exemple. Dans le meilleur des cas, il se transformera en œuvre humanitaire et en profession de foi.
Tourisme durable, tourisme responsable ou équitable, écotourisme, tourisme en faveur des pauvres … il s’agit désormais de se donner bonne conscience tout en continuant à puiser dans les ressources du voisin. Mais tout le monde vous le dira, le tourisme est la voie royale du développement : il crée des emplois et génère des revenus, contribue à renforcer le pouvoir des femmes, donne leur chance aux territoires et aux pays défavorisés, soutient le processus de paix, favorise la coopération internationale et sensibilise sur les impacts négatifs changement climatique. Alors le tourisme, néocolonialisme ou opportunisme?
CGH février 2009
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